Lorsqu’un salarié protégé a été licencié en vertu d’une autorisation administrative ultérieurement annulée il peut demander, outre sa réintégration, une indemnité, ou bien ne demander qu’une indemnité. L’articulation des règles n’est pas simple. La Cour de cassation apporte un éclaircissement bienvenu dans un arrêt du 11 décembre 2024 (Cass. soc., 11-12-24, n°23-10439).
Les faits sont les suivants : suite au prononcé d’une liquidation judiciaire, l’administration autorise le licenciement pour motif économique d’un délégué du personnel. Le tribunal administratif annule cette autorisation. Le salarié saisit alors le CPH afin de réclamer l’indemnité spéciale due en cas d’annulation devenue définitive de l’autorisation administrative de licenciement, prévue à l’article L 2422-4.
En appel, les juges déclarent la demande du salarié prescrite. Ils estiment qu’il avait deux mois à compter de la notification du jugement pour réclamer cette indemnité. Le salarié forme alors un pourvoi en cassation.
A l’appui de son pourvoi, le salarié énonce que lorsque l’annulation de l’autorisation de licenciement est devenue définitive, le salarié peut, au choix demander sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, ou bien demander une indemnité qui couvre la période allant de son licenciement à l’expiration du délai de 2 mois pour demander sa réintégration.
Selon le salarié, lorsqu’il opte pour la deuxième possibilité, il dispose de trois ans pour réclamer celle-ci, trois ans qui courent à compter de la date où la décision d’annulation de l’autorisation de licenciement est devenue définitive.
La Cour de cassation valide la position du salarié.
Elle énonce au visa de l’article L 2422-1 qu’en cas d’annulation de la décision administrative de licenciement (par le ministre en cas de recours hiérarchique, ou par le juge administratif en cas de contentieux), le salarié protégé peut demander sa réintégration dans son emploi ou un emploi équivalent, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision.
Ensuite, elle poursuit en invoquant l’article L 2422-4 aux termes duquel le salarié peut demander une indemnité spéciale qui couvre la période allant de son licenciement à sa réintégration, s’il l’a demandée, et s’il ne l’a pas fait, alors la période d’indemnisation s’étend de son licenciement à l’expiration du délai de 2 mois dont il disposait pour réclamer sa réintégration. La Cour, reprenant la lettre du texte, énonce que cette indemnité constitue un complément de salaire.
La Cour affirme dans son attendu que seule la demande de réintégration doit être formée, à peine d’irrecevabilité, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement annulant l’autorisation administrative de licenciement.
Enfin, elle applique à cette indemnité la prescription de trois ans de l’article L 3245-1, eu égard à sa nature salariale.
La Haute juridiction casse et annule, par conséquent, l’arrêt d’appel.
Cet arrêt est intéressant en raison des rappels qu’il opère, et par la clarification des règles qui se juxtaposent en ce qui concerne l’indemnité spéciale à laquelle le salarié protégé a droit en cas d’annulation de l’autorisation administrative de licenciement.
Le premier rappel est le suivant : le salarié peut au choix demander à être réintégré ou bien uniquement être indemnisé. S’il demande à être réintégré, il doit le faire dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision annulant l’autorisation de licenciement.
Deuxième rappel, quand bien même il demanderait sa réintégration, il peut aussi réclamer l’indemnité spéciale.
En réalité donc, l’indemnité spéciale est de droit dans les deux cas, seule la période couverte par l’indemnité va varier. La période ira du licenciement à la réintégration, et en l’absence d’une demande de réintégration, la période ira du licenciement à l’expiration du délai de deux mois (qui court à compter de la notification de la décision d’annulation) pour réclamer la réintégration.
Enfin, peu importe que le salarié ait demandé ou non sa réintégration, le délai pour réclamer l’indemnité spéciale est de trois ans à compter de la date où la décision d’annulation est devenue définitive (insusceptible de recours), voir en ce sens, un précédent arrêt du 3 avril 2024 (Cass. soc., 3-4-24, n°22-13478).
Cet arrêt n’est pas novateur. Il a le mérite de clarifier le méli-mélo des règles d’indemnisation et de prescription applicables en matière d’annulation de l’autorisation de licenciement. Il appelle donc à bien dissocier les demandes indemnitaires, de la demande de réintégration, toutes ces demandes n’étant pas soumises aux mêmes délais de prescription.
Secrétaire confédérale au Secteur de l’Organisation, des Outre-Mer et des Affaires juridiques
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