En amont de la journée nationale Travail et Handicap organisée par FO ce 7 novembre à Paris, au siège de la confédération, l’UD FO Isère a organisé une journée dédiée au même thème, en présence d’Anne Baltazar, chargé du sujet à la confédération. L’évènement a permis de mettre en évidence des difficultés locales mais aussi et surtout des avancées. Il a surtout montré la nécessité de s’organiser collectivement et nationalement pour faire avancer les droits de tous.
En France, 2,8 millions de personnes en âge de travailler (15 à 64 ans) possèdent une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie, mais seulement 628 800 (22 %) occupaient un emploi en 2021. Ces données très officielles issues de l’Insee et de la Dares révèlent la problématique du handicap au travail et l’urgence des actions à mener dans ce secteur.
Le 29 septembre, l’Union départementale Force ouvrière de Grenoble (UD FO 38) organisait une journée qui a permis à de nombreux militants d’échanger avec des interlocuteurs spécialisés. Agefiph, FIFPH, référents handicaps dans les UD et les syndicats, tous ont répondu présent face à un public d’une soixantaine de participants.
Anne Baltazar, conseillère confédérale FO en charge du handicap et ex-présidente de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées), organisme paritaire qui œuvre à l’insertion professionnelle et au maintien dans l’emploi des personnes handicapées dans les entreprises du secteur privé, a d’abord souligné quelques récents acquis (inclus dans le projet de loi pour le plein emploi et la préfiguration de France Travail). Ainsi l’accès aux droits du travail collectifs (droit de grève, droit syndical) et individuels (aides au transport, complémentaire santé etc.) pour les salariés d’Esat (Etablissements et services d’aide par le travail). Ou encore le fait que les personnes reconnues handicapées via un autre titre que la RQTH (pension d’invalidité ou rente d’incapacité par exemple) auront accès aux mêmes droits sans passer par la Maison départementale pour les personnes handicapées (MDPH) et pourront ainsi être recrutées par des entreprises adaptées, bénéficier d’un accompagnement dans l’emploi ou d’une rémunération majorée en tant que stagiaires de la formation professionnelle.
S’informer auprès des référents handicaps
L’information est une des clefs du maintien dans l’emploi. Mais trop de salariés y ont insuffisamment accès Durant quatre ans, je me suis occupée des personnes licenciées pour inaptitude, résume Latifa Ouazaa, conseillère Pole Emploi et référente handicap de l’UD FO 38. Je me suis rendu compte qu’elles ne recevaient aucune information sur la RQTH, qu’elle n’avait pas de notion de ce que sont l’invalidité, l’incapacité, l’inaptitude, ... Si des réponses peuvent être apportées par Pole Emploi, le FIFPH (Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique), l’Agefiph et les représentants du personnel sont également une ressource importante. Pierre Pernot, délégué syndical FO et référent handicap chez SOITEC, une entreprise de micro-électronique qui emploie 1600 salariés note cependant une difficulté :
"Nous n’avons pas la liste des personnes concernées par un handicap dans l’entreprise, donc il faut sensibiliser l’ensemble des salariés, afin qu’ils sachent qu’ils peuvent venir nous voir en cas de problème."
Des cellules de maintien dans l’emploi au cœur des entreprises
Dans cette entreprise, une cellule de maintien dans l’emploi vient d’être créée. Nous avons dû batailler pour sa création, résume Pierre Pernot.
Il y a trois ans que nous argumentons auprès de notre patron en mettant en avant les retombées pour l’image de l’entreprise - entreprise qui par ailleurs a les moyens de le faire.
Pour l’instant la commission ne s’est pas encore réunie en raison d’un turn over important au poste de médecin du travail mais elle ne devrait pas tarder à entrer en activité.
A l’image de celle de la clinique mutualiste de Grenoble.
Nous avons déjà examiné 15 à 20 dossiers depuis sa création, souligne Thierry Caron, secrétaire adjoint de l’UD 38 et secrétaire du CSE de l’établissement de santé. Bien sûr dans certains cas des inaptitudes sont néanmoins prononcées, et il y a aussi des salariés qui préfèrent partir. Mais le travail de cette cellule produit des recommandations, des comptes-rendus écrits qui obligent l’employeur à agir.
La cellule est composée du médecin du travail, de deux préventrices, d’un représentant des ressources humaines, de deux élus représentants le personnel. Des cadres sont aussi parfois invités pour évoquer les postes disponibles dans leur service. Et Régis Badel, médecin du travail et secrétaire général du SNFOMTSIE le souligne : Les représentants du personnel ont un rôle clef à jouer sur ce sujet, car dans l’entreprise ils savent où il y a des postes et des besoins.
Négocier des accords handicap avec l’employeur
"Il faut aussi négocier le plus d’accords possibles sur le handicap au travail, intégrer le handicap dans les NAO, sans oublier que quand on gagne des droits pour les salariés en situation de handicap, on gagne des droits pour tous"
a ajouté Philippe Beaufort, secrétaire général de l’UD FO 38. Nombre de mesures et services peuvent en effet être inclus dans ces accords tels que l’accès au chèque domicile (prépayé par l’employeur) qui permet de rémunérer une aide à domicile pour une personne vivant avec un handicap ou encore des jours de congé supplémentaires pour se rendre à des rendez-vous médicaux ou remplir un rôle d’aidant. Ainsi dans certaines branches du groupe mutualiste Vyv, jusqu’à deux mois d’absence rémunérée peuvent être accordés aux aidants familiaux dans l’année.
Dans la salle, Jean-Philippe Desigaux, secrétaire départemental FO La Poste attire l’attention sur les pratiques de son entreprise.
Nous avons beaucoup de licenciements pour inaptitude ces derniers temps. Même en accompagnant les salariés on a du mal à les éviter. Une augmentation confirmée par Anne Baltazar, qui a reçu plusieurs alertes à ce sujet via des remontées syndicales, sans que des données objectives soient publiées : Après le Covid, il y a des gens qui ne sont pas revenus au travail, des personnes qui n’étaient pas déclarées comme travailleurs handicapés auparavant. Régis Badel, l’observe également : Des modifications/aménagements du travail pendant/après le Covid font que les gens se sont sentis en difficulté au moment de revenir. Et ces situations se soldent trop souvent par des licenciements pour inaptitude. Au niveau global ces situations concerneraient un peu plus les femmes.
A la Poste trop de licenciements pour inaptitude
A la Poste iséroise, la situation semble plus grave. Jean-Philippe Désigaux estime que son entreprise ne respecte pas l’obligation de reclassement. Une obligation qui n’est que de moyens, et non de résultat, a précisé Valérie François, de l’Agefiph.
On licencie en inaptitude des facteurs livreurs alors que l’entreprise recrute sur des postes de conseillers commerciaux,
poursuit Jean-Philippe Désigaux. Et des salariés en inaptitude qui postulent à ces fonctions sont même mis en concurrence avec des candidats extérieurs. Pour moi c’est de la discrimination. Et de rapporter qu’alors que l’employeur a douze mois pour proposer un autre poste en cas d’inaptitude,
à la Poste on ne fait rien ou presque pendant un an, puis on conclut qu’il n’y a pas de poste disponible et on signe un licenciement. Nous avons même déjà vu des médecins du travail demander à l’employeur si un mi-temps thérapeutique est possible avant de le prescrire. C’est le monde à l’envers.
L’Education nationale, toujours à la traîne
Côté Fonction publique ce n’est guère plus rassurant.
A l’Education nationale on part de très loin pour les personnes porteuses de handicap : l’accessibilité des locaux, la discrimination des personnes… et nous n’avons pas de médecin du travail, uniquement des médecins de prévention sans aucune indépendance, et dont les préconisations ne sont pas respectées par notre hiérarchie,
résume Salima Bouchalta, secrétaire départementale SPASEEN FO et secrétaire fédérale FNEC FP FO.
La Fonction publique affiche actuellement un taux d’emploi de travailleurs handicapés de 5,45 %, pour le seul versant de l’État, 4,36 %. Pour la seule Education nationale ce taux serait encore plus faible. Alors que l’objectif est – comme dans le secteur privé – d’atteindre voire dépasser les 6 %... Et lorsque des situations sont améliorées, cela ne se résout qu’au cas par cas, regrette Salima Bouchalta. Il reste donc un long chemin à parcourir, et la situation actuelle explique peut-être pourquoi la France a encore été condamnée au printemps dernier par le comité des droits sociaux du Conseil de l’Europe concernant les droits des personnes handicapées.
Il faut faire mieux sur les droits collectifs, résister et créer de nouveaux droits en n’hésitant pas à faire appel au réseau d’acteurs et de personnes ressources présentes sur le lieu de travail, dans les syndicats, au FIPHFP, à l’Agefiph, à la médecine du travail,
a conclu Philippe Beaufort.
Journaliste à L’inFO militante
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